De l’usage de la théière en politique…

J’aime bien cet extrait d’article de Bertrand Russell. (Dont la version complète nous est aimablement fourni par le CORTECS, ici.)

 Many orthodox people speak as though it were the business of sceptics to disprove received dogmas rather than of dogmatists to prove them. This is, of course, a mistake. If I were to suggest that between the Earth and Mars there is a china teapot revolving about the sun in an elliptical orbit, nobody would be able to disprove my assertion provided I were careful to add that the teapot is too small to be revealed even by our most powerful telescopes. But if I were to go on to say that, since my assertion cannot be disproved, it is intolerable presumption on the part of human reason to doubt it, I should rightly be thought to be talking nonsense. If, however, the existence of such a teapot were affirmed in ancient books, taught as the sacred truth every Sunday, and instilled into the minds of children at school, hesitation to believe in its existence would become a mark of eccentricity and entitle the doubter to the attentions of the psychiatrist in an enlightened age or of the Inquisitor in an earlier time.

Selon ma propre traduction (que je livre à votre indulgence, merci…)  cela donne à peu près cela :

« De nombreux orthodoxes [religieux] se comportent comme si c’était l’affaire des sceptiques de réfuter les dogmes plutôt qu’aux dogmatiques de les prouver. C’est, évidemment, une erreur. Si je suggérais qu’entre la Terre et Mars, il y a une théière en porcelaine tournant autour du Soleil selon une orbite elliptique, personne ne pourrait le réfuter, dès lors que j’ai pris la précaution d’ajouter que la théière est trop petite pour être observée, même par nos plus puissants télescopes. Mais si je continuais en disant que, puisque mon affirmation ne peut être réfutée, il est intolérable pour la raison humaine d’en douter, on pourrait à juste titre penser que ce que je dis est absurde. Cependant, si l’existence de la théière était relatée dans des textes anciens, enseignée comme une vérité sacrée tous les dimanches et instillée dans l’esprit des enfants à l’école, alors hésiter à croire en son existence deviendrait une marque d’excentricité et destinerait l’hésitant à l’attention des psychiatres, à une époque éclairée, ou à l’Inquisition en des temps plus ancients. »

Comme on l’aura compris, il s’agit initialement de déboulonner Dieu et ses filiales. Mais cette analogie de la théière me parait intéressante à un autre titre. Elle peut être appliquée à bons nombres d’idées politiques et de courants de pensées dominants où l’affirmation et le matraquage constant viennent remplacer l’argumentation… Je pense en particulier à certaines stratégies économiques.

Cela me fait penser à cette tribune d’un politicien suisse (Fathi Derder, plutôt centre droite dans mon souvenir) qui décrivait ses homologues français avec un brin de défiance en rapportant une anecdote. Au cours d’une discussion avec des sénateurs, il s’était trouvé en désaccord avec eux. Après avoir recadré le propos, le suisse s’était vu redire la même chose que précédemment sans une once d’argumentation ou de contre argumentation supplémentaire tout au plus de la paraphrase. Il en était arrivé à la conclusion que « Pour un politicien français, quand on n’est pas d’accord avec lui, c’est qu’on a pas compris ce qu’il dit. » ( Fathi Derder a le sens de la formule…)

D’ailleurs, en qui concerne aussi les politicien-ne-s, comme les orthodoxes que pointe Russell, il-le-s semblent exactement agir comme si c’était aux journalistes et aux citoyen-ne-s d’être mieux informé-e-s qu’eux-lles pour être en possibilité de démentir en permanence leurs approximations affirmées avec aplomb. Sinon comment expliquer le fleurissement des services de vérification des faits et autres site de critiques des media..?

Bref, buvez de la tisane mais ne buvez pas la tasse…

Laisser un commentaire