Comment tuer la permaculture ?

La permaculture est souvent une découverte qui fait évidence dans la tête de qui vient en stage. « C’est du bon sens ». « Comment n’y ai-je pas pensé avant ? » « C’est si positif ! ». Elle porte de l’espoir, de l’enthousiasme et des moyens d’agir. C’est une cible de choix pour une démolition en règle.

Car la permaculture est un concept qui n’est, de plus, gardé par personne…Point de Copyright, de Trade Mark ou de gardien à matraque. C’est dans son esprit et le contraire serait déjà suspicieux. Chacun y est invité. Un grand moulin où tout le monde vient.

Dès lors, il risque de lui arriver ce qui est arrivé à tous ses prédécesseurs de bonne volonté. De l’écologie au développement durable en passant par la transition. La récupération par le capitalisme, ne prenant que les briques qui l’intéressent, laissant tomber le subversif et au final rendant les choses aussi inutiles que les précédentes à nous sortir de l’impasse.

Hélas, le capitalisme est en chacun. Et il est plus facile d’installer des toilettes sèches que de se défaire des processus mentaux liés à l’argent. Si nous n’y prenons pas garde, nous serons artisans de la destruction.

D’ors et déjà, on peut voir fleurir les stages de « permaculture au jardin.» Verra-t-on bientôt « la permaculture pour les balcons de premier étage », « la permaculture pour l’intérieur de la maison » ,« La permaculture pour le salon-cuisine.» «La permaculture pour conserver un gazon vert dans sa villa de Beverly Hills.»

Si la permaculture était réductible au jardinage, ça s’appellerait le jardinage.

La permaculture c’est plus que ça. Et agir selon le « C’est mieux que rien » ou « C’est ce que demandent les gens. » c’est contribuer à la vider de ce qu’elle est, en déplaçant son centre, en réduisant à simple technique ce qui est Art et Science.

Tout comme en faire une poule aux œufs d‘or. Comment peut-on proposer des stages inaccessibles à l’immense masse des pauvres ? Comment peut-on rendre élastique une éthique au point d’envisager de fait de se passer de ces gens ? Comment peut-on demander 1000€ pour 10 jours de CCP ? Ou 250 € pour 2 jours d’intro ? Si vous êtes permaculteur et que votre système fonctionne, il vous donne de manière résiliente et multisource de l’abondance, de la nourriture, du temps, de la monnaie, soit-elle alternative. Il est alors dans votre logique de partager cette abondance. (Vous vous souvenez, le 3e pilier de l’éthique ?) Comment se fait-il que vous deviez tirer 500€ de profit par jour si votre système fonctionne ? Comment envisager de former si on a un système qui ne fonctionne pas?

[Mise à jour importante : Après quelques expériences supplémentaires, des rencontres et une réflexion qui continue encore, notre point de vue a évolué à ce sujet. Nous en avons fait un nouveau texte, lisible ici. Si l’article présent aborde la question du « haut de la fouchette » Celui que vous lirez en lien parle du « bas »… ]

Si le mot « permaculture » devait peu à peu désigner des cours de jardinage pour les demi-riches alors nous aurions perdu quelque chose d’inestimable. La permaculture serait alors devenue un moulin miniature, fontaine électrique trônant au milieu du salon de quelques privilégiés, servant à leur rappeler nostalgiquement qu’on a failli y arriver.

Rien ne sert d’agonir d’insultes « le système »/ « le capitalisme » / « les autres ».

Les logiques marchandes trouvent parfois un terrain favorable dans les esprit les mieux intentionnés, les nôtres. Et notre seul rempart est l’éthique dont nous espérons être de bon représentants.

Nous venons de revoir les tarifs de nos formations à la baisse en divisant par 4 le montant dédié aux frais  pédagogiques.

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