Le prochain mot que vous allez entendre trop souvent.

Je le sens débouler très fort. Voilà 2 fois que je l’entends en 3 jours. La première fois dans la bouche du candidat EELV-PG à Grenoble. La 2e dans celle d’un intervenant Médecins du Monde dans un squat. Ce mot c’est « co-constrution. »

Voilà pourquoi vous allez l’entendre trop et pourquoi il va donc se vider de son sens.

La « co-construction » est le nom donné au niveau de participation démocratique le plus élevé. Il s’agit de réfléchir, explorer et décider ensemble sur un pied d’égalité. Nous allons l’entendre beaucoup car c’est très « sexy » : Quoi de mieux, dans ce qui se dit une démocratie, que de se réclamer de ce qu’il y a de plus démocratique comme démarche de gouvernance?

Seulement voilà, si je peux croire le gars de Médecin du Monde, j’aurai beaucoup plus de mal à croire la moindre personnalité élue. Car la co-construction demande du temps, des techniques et un état d’esprit. Je peux constater que cela peut être accessible aujourd’hui dans certains milieux dont des squats car cela fait un bout de temps qu’on s’y pose collectivement les questions relatives à l’autogestion ( Logiquement c’est de cela qu’il s’agit lorsqu’on parle de co-construction), qu’on y vit, expérimente, affine et diffuse des outils (sans les considérer comme miraculeux.).

Mais j’ai du mal à imaginer que :

-des élu-e-s rendent TOUT le pouvoir qu’il-le-s ont demandé. Je serai néanmoins très admiratif des personnes qui le feront.

-les administrées deviennent soudainement disponibles et soucieux-ses de s’impliquer pleinement d’un bout à l’autre d’un processus décisionnel.  La  co-construction repose quand même là dessus…

-tout ce joli monde (C’est à dire tout le monde) passe par la case formation/temps d’expérimentation. Parce que la connaissance des outils (juste savoir que ça existe!) est la base pour leur utilisation.(!)

Je précise que je suis pour la co-construction et qu’elle me parait souvent souhaitable. Et ce qui va arriver à ce mot me parait alors d’autant plus tragique.

Car il me semble irréalisable d’atteindre cela à grande échelle sans passer par des étapes intermédiaires. Les personnes qui vont utiliser ce mot vont donc, volontairement ou en toute bonne foi aveuglée, s’en servir pour désigner un niveau de participation bien inférieur dans les faits, comme la « Consultation » ne désigne souvent que « Information ». Et c’est encore une belle idée qui aura perdu son nom.

Comment alors ferons-nous pour co-construire puisque nous ne pourront plus dire que nous le faisons? Parler d’ autogestion? Pourquoi pas… Il sera peut-être plus difficile à récupérer celui-là. Quoique…

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