De Charybde en Scylla

Au cours de son Odyssée, Ulysse a à choisir entre faire passer sa route par Charybde, le gouffre sans fond ou Scylla, le monstre dévoreur… Au cours de nos formations, nous rencontrons des gens qui, sans en être vraiment conscients illustrent tout à fait ce symbole.

De prime abord ce sont des gens très sympathiques à nos yeux… Des alternatifs dont on sent l’engagement à changer le monde jusque dans leurs actes, des « consom’acteurs » déterminés, des militants du quotidien… On sent bien qu’ils sont sortis du dogme répandu par les média de masse. Problème… Ils sont tombés dans d’autres…

On pourrait se dire que s’étant émancipés de certaines pensées pré-machées, ils seraient vaccinés… Hélas, humeur critique n’est pas esprit critique. Et ils ont tôt fait d’aller de Charybde en Scylla. Si l’humeur critique est à la portée immédiate de chacun, l’esprit critique lui, demande à être formé, demande du travail et du temps de recherche. Mettre et remettre en question et se donner la possibilité d’y répondre et plus exigeant que d’aller d’une vérité à l’autre.

Ainsi certains de nos amis alter se trouvent des affinités Soraliennes ou Dieudonnesque et tant pis pour la complexité du monde.

D’autres délaissent l’action émancipatrice pour se consacrer à la « racine de toutes les émancipations», la quête de l’énergie libre (radio-isotopique, magnétique, quantiques, selon les limites du moment de la « terrain incognita » scientifique et les promesses fantasmées de l’autre côté de cette frontière.) Et tant pis pour les lois de la physique.

D’autres remettent en cause l’origine humaine du réchauffement climatique en relayant avec honnêteté et précision des données précises produites par des gens dont on ne connaît rien de l’honnêteté, ni du prix auquel celle-ci se monnayent.

Et des « engagements » alternatifs comme cela, on peut encore lister quelques-uns… OVNI, illuminati, complots en tout genre, résurrection, électro-culture… Comme point commun : Très peu d’exposition dans les grands médias (« L’omerta médiatique »), une absence de preuve, de source ou de rigueur dans la méthodologie (« La science est muselée.») inversement proportionnel au foisonnement de données farfelus accessibles sur Internet («Aha ! Rien ne peut étouffer indéfiniment la Vérité ! »). En somme des choses qui demandent à être acceptées en l’état mais qui donnent quand même à réfléchir à qui s’y intéresse.

Ces gens, en toute bonne foi, ont autant de ferveur à dénoncer le système qu’à défendre leurs « trouvailles».

Cela rappelle une stratégie d’hypnose qui s’appelle « décharger la résistance ». Elle consiste à donner un point d’occupation à l’esprit pendant que l’on fait autre chose, un fusible qu’il peut faire sauter à l’envie puisqu’il n’a aucune valeur. Si on voulait que des gens qui ont des envies de changer le monde ne le transforment pas trop quand même, on ne pourrait guère faire mieux que de leur donner ce genre d’os à ronger. Pour qu’il puisse dépenser toute leur énergie sur quelque chose qui ne change rien du tout. Pied droit à fond sur l’accélérateur et l’autre à fond sur l’embrayage. Pour la petite histoire, dans le mythe Ulysse choisit Scylla, qui dévore au passage une bonne part de ses marins, réduisant d’autant les forces humaines pour faire avancer ses bateaux… Comme quoi, les fonctionnements de base des humains n’ont guère changé en quelques milliers d’années…

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