Longtemps le commerce a consisté à fournir ce qui manquait basiquement aux gens pour vivre. Mais quand on est dans une recherche de grande richesse, les possibilités de profits sont vite limitées. Mécanisation, gain de productivité, baisse des prix sont passées par là… Comment faire pour que la croissance existe encore quand les gens ont déjà ce qu’il leur faut? Comment faire pour que le PIB s’envole? Plusieurs pistes ont été explorées.
L’augmentation de la sensation de besoin par la publicité en est une. Faire passer des besoins stricts à ceux de confort. Manger plus, plus emballé, plus diversifié, vivre dans plus d’espace, construire plus grand, se laver plus souvent,entièrement tous les jours, se déplacer plus vite, plus souvent,…
Une autre piste, pour les biens moins rapidement consommables, est l’obsolescence. Obsolescence culturelle liée au design, à l’esthétique, à la mode de ce qui se fait ou pas. Combien de temps dure l’envie de porter les mêmes chaussures? Combien de paires a-t-on alors en 10 ans? Obsolescence qualitative liée à la qualité des matériaux. Combien de temps dure la paire de chaussure elle-même? Obsolescence technologique liée au progrès. Combien de personnes autour de vous peuvent effectivement réparer une basket fabriquée aujourd’hui?
Une autre piste consiste à faire passer dans le domaine marchand des choses qui relevaient auparavant de la gratuité. C’est La Poste qui facture le temps de discussion avec ses usagers. C’est ma voisine qui me loue sa voiture plutôt que de me la prêter. C’est le co-voiturage qui remplace l’autostop. L’entraide qui devient vente de service, moyennant taxation par une « plateforme » ou un « tiers de confiance ». La confiance a un prix. Et ce prix rétribue l’investisseur. C’est l’économie collaborative, anti-sociale (puisque qu’elle fragilise le lien humain en convertissant de l’amour en argent. Voir notre stage sur l’Abondance dans les systèmes. « Gagner de l’argent en permaculture. ») et tout sauf solidaire, malgré son appartenance parfois revendiquée à l’ESS.
Il y a la piste de la privatisation. Son échelle la plus célèbre est le passage de nos organisations collectives aux mains de quelques capitalistes. Sous couvert « d’efficacité » et de « performance », encore à grand renfort de publicité, ils nous font alors payer le renchérissement du service. Échelle plus silencieuse mais au moins aussi massive, du fait de sa dispersion, le passage de certains services de la responsabilité collective à la responsabilité individuelle. Les services de police sont sous-financés? Abonnez-vous à un service de télésurveillance et faites filmer votre maison 24h/24. L’eau qui arrive chez vous a un goût bizarre? Vive la carafe filtrante à osmose de charbon ultra-violets, 2 cartouche par mois seulement! Gageons que bientôt, en plus de la clim, les balcons verront s’installer des filtres à particules (« Un air sain pour votre famille, et éco-couillonisé grâce à son diffuseur d’huile essentielles bio »)
Car, enfin mais pas des moindres, l’économie de la destruction. Que l’on aura tôt fait de rebaptiser l’économie restauratrice ou well-ness economy, c’est certains. L’activité consistant à réparer les dégâts faits par les autres activités (et en faire d’autres.). Après l’explosion des appareils dentaires, qui favorisent la rétraction des gencives en déplaçant les dents, voilà celle des dentifrices contrant la sensibilité dentaire liée à la rétraction des gencives. La laideur malicieuse de cette piste est qu’elle est sans fin… Chaque solutions apportant elle-même son lot de problèmes qu’il faudra résoudre. Les dentifrices sont blancs grâce aux nanoparticules de dioxyde de titane dont on commence à peine à connaître l’incidence sur la santé et l’environnement. Capitalistes, monoculteurs, macronisés réjouissez-vous! Il y a encore des marchés devant vous! Permaculteurs, estimez vos vrais besoins, sautez du train et envolez-vous!